Le temps évoqué ici est celui qui passe, le seul digne d'intérêt, le temps qu'il fait ne méritant pas qu'on prenne celui d'en parler. D'autant qu'aujourd'hui, le temps qu'il fait est aussi dégueulasse que le chien sur le trottoir, quand il fait lui aussi. C'est d'ailleurs pourquoi on dit qu'il fait «un temps de chien» ou un «temps de merde». Ainsi, au dernier championnat de France d'athlétisme, peu de spectateurs sont venus applaudir le sprinter Alphonse Amort, car il a fait un temps médiocre.

Le temps qui passe, lui, est beaucoup plus respectable. Notons d'emblée ici une erreur commune : l'homme croit que c'est le temps qui passe, alors que c'est lui, un peu comme lorsqu'il croit que c'est son train qui démarre, alors que c'est celui d'à côté. Mon Dieu qu'il est bête. Le temps ne passe pas, il se contente d'être, c'est tout. On peut dire que le concept du temps qui passe s'enferre dans l'utopie, de même que celui du chien qui passe sans faire dans la rue.

Les chiens merdoient, l'humanité passe.

Mais qu'est-ce donc au juste que le temps.

Le temps est une des dimensions de l'Univers qui, contrairement à celles d'espace, n'a qu'une direction. Sens unique. C'est la flèche du temps qu'un archer sadique envoie dans le cœur de l'homme et qui n'est rien d'autre qu'un aller simple pour le Néant.

Le temps n'a qu'une direction, certes, mais il n'est pas unique, loin de là. Le tango a deux temps, le boléro à trois temps et le moteur à explosion en a quatre, n'en déplaise à ce crétin justement ignoré qui déclarait en 1880 que le moteur à explosion n'aurait qu'un temps. Et si on n'a pas tous les jours vingt temps, on notera que la valse a mille temps, ainsi que François Mitterrand pour accéder à la présidence de la République. On dit d'ailleurs «de temps en temps» comme on dit «de jour en jour», car on passe d'un temps à un autre.

Nombreux ou pas, les temps que nous vivons sont minés par le stress et, par les temps qui courent, l'homme aussi. Aujourd'hui pour «être de son temps», il faut savoir courir. «Personnellement, j'essaie de vivre avec mon temps, disait Simone Signoret, mais ce n'est pas facile». D'autant que son homme était un coureur.

Certains préfèrent le temps passé. «C'était mieux avant». Mais qu'en est-il ? C'est sans doute l'insouciance de la jeunesse qui fait la vie belle. C'était mieux avant parce qu'ils avaient vingt ans. En fait, chaque époque a ses avantages, ses modes, ses artistes et ses créateurs géniaux. Pour la musique française par exemple, Brassens est aujourd'hui remplacé par Patrick Bruel et Magma par Nique-Ta-Mère. Cela dit, je ne suis pas sûr qu'on ait gagné au change... Bon, d'accord, je vous l'accorde, ce choix n'est pas totalement dépourvu de mauvaise foi. Au temps pour moi. Car il y a aussi, et heureusement, Renan Luce, Stromae ou Shaka Ponk.

Le temps c'est de l'argent, dit-on. Vite dit. En effet si on peut transformer du temps en argent, avec le travail, ce qui n'est d'ailleurs pas forcément une bonne opération, l'inverse est impossible et ce ne sont pas les riches vieillards qui vont me contredire. Le temps est probablement la richesse suprême. Pourtant d'aucuns ont des «passe-temps», font des choses pour «tuer le temps». Misère ! Comme si on en avait trop, du temps, comme si on n'avait pas compris que c'est lui qui nous tue. Car il nous vole la vie, ce fumier. Le temps est un voleur et un assassin qui sévit en toute impunité. «He is under arrest». Mais il court toujours.

Et le temps qui m'était imparti est arrivé à son terme et quand on a fait son temps, on se retire.