Les proverbes, adages, dictons, aphorismes, maximes et autres sentences ne sont pas toujours d'une rigueur à toute épreuve. Nous allons donc les passer au crible, les étudier objectivement, traquer leur éventuel manque de logique.

Le révisionniste des proverbes a encore fait son malin.

«Il vaut mieux être qu'avoir» dit un vieil adage (car un adage est toujours vieil). Pourtant il est préférable d'avoir du talent que d'être riche.

Un autre adage entre deux âges affirme «L'habit ne fait pas le moine». Alors que si. Comment sinon reconnaître un moine d'un non-moine ? Ne dit-on pas d'ailleurs d'un moine devenu non-moine qu'il est défroqué, d'un bien-portant devenu rachitique qu'il est décalcifié ? Et quand il porte la robe de bure, l'homme, qui n'a pas droit au tagada-pouet-pouet, arbore un faciès blême. L'habit fait pâle moine. Alors le moine noie sa triste solitude dans l'alcool. Chartreuse, Bénédictine, Leffe... Beurrées, bitures et bourrées. L'habitude de l'habit de bure aboutit à l'hébétude de l'abus de bière.

«Il n'y a pas de sot métier, il n'y a que de sottes gens». Oh que non alors ! Car le mot «sot» est pour le moins un doux euphémisme (car un euphémisme est toujours doux) pour qualifier une profession telle que contraventionniste, par exemple, ou toute autre dont l'unique fonction consiste à nuire aux autres : huissier, professeur de latin, syndic, inspecteur du travail, coiffeur, pape, psychanalyste, acupuncteur...

Il n'y a par contre rien à redire quant à la seconde partie du proverbe. Autant Albert Einstein eût été capable de coller des papillons sous les essuie-glace (encore eût-il fallu qu'il fût tombé bien bas), autant Prosper Martin eût été désemparé à l'idée que l'heure de stationnement est toute relative. Mais si tous les chieurs sur pare-brise sont des cons, tous les cons ne sont pas chieurs sur pare-brise. Pour preuve le pharmacien qui, hier, m'a recommandé un puissant anti-inflammatoire à prendre au milieu du repas pour éviter les effets secondaires sur le système digestif. «Vous le préférez en cachets ou en suppositoires ?» - «Au milieu du repas, dîtes-vous ? Si ça ne vous ennuie pas, j'aime autant en cachets»

Un vieil adage érodé, c'est-à-dire vieux comme Hérode, puisqu'il a l'âge de César Ter, l'empereur romain qui succéda à César Bis, de moins 12 à plus 27 pendant J.C., nous dit «On n'est jamais si bien servi que par soi-même». Est-ce bien raisonnable ? Il n'est pourtant pas déplaisant de laisser à Nestor en livrée le soin d'apporter les toasts au caviar et d'emplir les coupes de champagne.

«Il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs». On se demande bien pourquoi. Si le zoophile est aussi charruephile, libre à lui de choisir l'ordre de ses plaisirs.

«Le ridicule ne tue pas». Oh que si alors. A chaque fois que Bernard-Henri, l'ahurissant tartuffe à brushing et chemise blanche, s'impose dans un média, on est mort de rire.

«L'argent n'a pas d'odeur». Cet adage, lui aussi extrêmement vieil, puisque deux fois millénaire, est de l'empereur romain Vespasien (9 à 79 après J.C.) dont on est en droit de contester la finesse olfactive lorsqu'on sait qu'il a passé le plus clair de sa vie à inventer les pissotières.

«L'argent ne fait pas le bonheur». Vite dit. Moi, par exemple, altruiste et philanthrope, je suis prêt à aider les gens à trouver le bonheur en les délestant de leur argent. Le problème est qu'ils n'ont pas l'air de le vouloir. Cela dit, l'argent, ou bien on le gagne ou bien on le dépense, car «On ne peut pas être partout» comme ne l'a sûrement jamais dit Jésus-Christ qui, lui, pouvait, ni «Avoir le beurre et l'argent du beurre» comme ne le déplorait que rarement Bernard Tapie qui, en plus du beurre et de l'argent du beurre, avait la crèmerie et la banque.

«On ne prête qu'aux riches». D'abord qui ça on ? Pour prêter il faut avoir. Donc les riches prêtent aux riches alors que les pauvres prêtent à rire. Mais on prête aussi aux pauvres : l'intention de devenir riches, d'abord, et même de l'argent, avec toutefois de sérieuses garanties et un taux d'intérêt plus élevé.

«La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu'elle a». Ben, ça tombe vachement bien car on en attendait rien de plus.

«Les grandes douleurs sont muettes». Serait-il inconvenant de crier «aïe, ouille» quand on se coince un doigt dans la portière de l'automobile ? Serait-il plus séant de rester digne et de dire : «Peux-tu, sur le champ, s'il ne te déplaît, m'aller mander un serrurier afin de sortir mon auriculaire de sa fâcheuse posture, car j'ai grand mal?».

«Le vers alexandrin n'est souvent qu'un cache-sottises» a dit Stendhal.
Voyons voir. Avec ce quatrain par exemple.

J'avais une copine, un peu gourde, un peu sotte,
Si collante en sus que, bien que plutôt accorte,
Du quai chaque fois je la poussais à la flotte.
Elle en fut si marrie qu'un jour elle prit la porte.

Moralité : «Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse».

Impossible de sortir de ce sirupeux cloaque de dictons, n'est-ce pas Madame Michu ? «Dame non dame ! , On est si peu de chose, enfin ça va quand même, hein, on fait aller, comme un lundi et puis demain sera un autre jour, comme euh-j'dis toujours, à chaque jour suffit sa peine et après nous le déluge, hein, pour sûr, dame».

Enfin, on n'est pas les plus malheureux, allez !
Dame non dame.