Émile Prout vulgarise la science


Aujourd'hui : les poissons


Les poissons sont des vertébrés aquatiques à respiration branchiale possédant des nageoires. C'est même pour ça qu'on les appelle des poissons.

Il existe deux sortes de poissons : le poisson d'eau de mer qui vit dans la mer et le poisson d'eau douce qui survit dans nos rivières. Le poisson d'eau douce est aux poissons ce que le marin d'eau douce est au marin. Il n'y a donc rien à en dire, à part peut-être du piranha, fort utile puisqu'il a participé activement à l'éradication des missionnaires catholiques en Amérique du sud.

Il existe deux sortes de poissons : les cartilagineux ou chondrichtyens (à vos souhaits) comme les requins ou les raies et les poissons osseux ou ostéichtyens (Dieu vous bénisse), c'est-à-dire tous les autres, ceux qui ont des arêtes. Ce n'est donc pas l'arête qui fait le poisson puisque la roussette vulgaris et le pané findus, par exemple, n'ont pas d'arêtes. Comme quoi La Fontaine s'est vautré en affirmant, péremptoire : «Pas de roses sans épines, pas de poissons sans arêtes». Ah oui ! Et les roses trémières, patate !

Il existe deux sortes de poissons : le poisson «sauvage» qui est sauvage et le poisson «d'élevage» qui, comme le veau des Charentes, est élevé sous la mer. Sa chair est donc de qualité, d'autant qu'il bénéficie lui aussi des farines animales, des antibiotiques et des hormones de croissance. Le poisson sauvage lui, est un poisson qui, c'est à peine croyable, peut vivre en se passant totalement de toute intervention humaine. C'est dire à quel point il est sauvage. Le «grand blanc», par exemple, est dit sauvage (remarquez, le «petit nègre» aussi). Notons que le grand blanc d'élevage n'est pas sauvage alors que la sardine, toujours sauvage, agresse le plancton avec une férocité impressionnante. Mais le poisson vraiment sauvage est élevé sous le père.

Il existe deux sortes de poissons : les gros et les petits. Les gros, comme le requin baleine, l'espadon commun de l'Atlantique, l'espadon quichotte de la Manche, le thon rouge, blanc ou jaune (car on peut changer de thon) et les petits comme la sardine, le maquereau, l'éperlan ou le sprat. La Fontaine, décidément grosse buse devant l'Éternel, a dit : «Petit poisson deviendra grand», ce qui est assez crétin dans la mesure où, même extrêmement adulte, une sardine reste un petit poisson, alors que le petit du requin-baleine, je ne vous dis pas.

Il existe deux sortes de poissons : les bons et les pas bons. En fait c'est juste une question de cuisine. La raie, par exemple, est très facile à préparer. Flanquez lui une beigne dans l'oeil et la voilà pochée au beurre noir. Ajouter des câpres et dégustez, vous aussi. Le thon c'est bon, comme tous les classiques. Les exotiques sont bons aussi. Un jour, accoudé dans un bar à Cuba avec un barbu baraqué buvant un bacardi, j'ai goûté au barracuda. Ben, c'est bon. Cependant, par principe de précaution, fuyez, comme celle de la vache folle, la chair du requin marteau. Veillez d'ailleurs à ne pas confondre la chair de ce poisson-là avec celle de ce poisson-scie.

Il existe deux sortes de poissons : les cons, qui restent mer à mer et les pas cons, qui élèvent leur pensée, comme ce poisson qui un jour rêva de voler et que Dieu, dans son infinie bonté, a exocet.

En résumé on peut dire qu'il existe deux sortes de poissons.