Émile Prout vulgarise la science


Aujourd'hui : les nombres


Un nombre est un concept permettant d'évaluer et de comparer des quantités ou des rapports de grandeurs. Il y en a beaucoup. Une infinité. Citons-en quelques uns au hasard : le 17, le 813, le 196 384, voire le 999 ou mieux le 1000, ou pis, le 3,14... Un nombre est composé de chiffres, qui sont au nombre ce que les lettres sont au mot et au nombre de 10 dans le système décimal.

Les mathématiques sont une science exacte mais dans laquelle, curieusement, la logique est parfois mise à mal. Le chiffre 1, qui est le premier nombre, n'est pas un nombre premier. En effet, pour être premier, un nombre se doit de n'être divisible que par lui-même et par 1, à condition toutefois que lui-même et 1 soient deux. Ce qui n'est pas le cas avec le 1. Je ne sais pas si c'est bien clair. Remarquez «diviser par 1» ne l'est pas tellement non plus. C'est un concept plutôt étrange. J'ai essayé pour voir, avec une tarte aux pommes. Je l'ai divisée par 1, j'en ai mangé une part et il ne restait plus rien. Heureusement que j'étais tout seul.

Autre exemple, l'infini. Divisé par 2 ou même par un milliard, il reste inchangé. Et divisé par lui-même, ça ne donne pas 1. Bizarre, non ? Il n'est donc pas égal à lui-même. L'infini est différent de l'infini !

Et le zéro alors ! Il est divisible par tous les nombres. Bizarre aussi. Pour qu'un bidule soit divisible, il semble qu'il faille quelque chose à diviser. Or zéro c'est l'absence, le nul, le néant, rien. Et diviser rien n'est pas d'une flagrance absolue. J'ai tenté le calcul puis ai montré ma démonstration mathématique à un spécialiste qui m'a dit que c'était nul. Et c'était en effet le bon résultat. Multiplier rien n'est pas plus évident. Et pourtant trois fois rien, même si ce n'est pas grand chose, est plus grand que rien. C'est à n'y rien comprendre.

«Les chiffres parlent d'eux-mêmes, mais on leur fait dire ce qu'on veut» paraît-il. Voyons voir. J'en ai pris un au hasard, le 7, que j'ai soumis à un interrogatoire musclé. «Nous safons les moyens dé fous faire parler, Herr Sieben». Il a tourné je ne sais combien de fois la langue dans sa bouche. «Tu vas parler, ordure !» Là, il a tout avoué : «Les 7 jours de la semaine, les 7 merveilles du monde, les 7 couleurs de l'arc-en-ciel, les 7 péchés capitaux, les 7 nains, les 7 vertèbres cervicales, les 7 samouraïs, les 7 morts sur ordonnance, les 7 de table, les 7 fois c'en est trop, les 7 muses». Stop ! Mais quelle triple buse, ce 7. Mérite deux baffes, une par muse manquante.

Il est vrai que parfois les nombres prêtent à confusion où s'interprètent de diverses façons, car «tout est relatif», comme ne l'a jamais dit Einstein. Voici quelques exemples.

A la manif du 1er mai, les 300 personnes présentes étaient 1000 selon la CGT et 120 selon la police. Comme quoi personne ne sait compter et on sait qu'on ne peut compter sur personne.

Par ailleurs le meneur de la manif était Emile selon la CGT et Vincent selon la police.

Mais on peut faire pire. Un journaliste a déclaré qu'on dénombrait entre 2 et 300 manifestants. Ce qui fait tout de même une sacrée différence : 298 ! Comment peut-on être imprécis à ce point et confondre un couple avec une foule ?

Les émissions de télé-réalité sont regardées par 6 millions de téléspectateurs selon l'audimat et par 6 millions de demeurés selon moi. (Quand je dis demeurés, je veux dire, bien entendu, demeurés chez eux devant la télé alors qu'il fait si beau dehors).

Certains nombres sont associés à des trucs particuliers. 37 est le nombre en degrés Celsius de la température au fion. Notez que 42 aussi, mais là, il est temps d'appeler le 15, qui est le numéro du SAMU.

40 est le nombre du Cac, qui est l'abréviation de cacadémicien. Ils sont en effet 40 à aller sur le trône sous la Coupole pour faire dans le dictionnaire.

Le nombre 666 est le nombre du Diable qui, d'après les on-dit, associé à Dieu pour l'occasion, a inventé le sida pour châtier l'homme. La rédemption par la douleur car «Heureux ceux qui souffrent». Cette phrase est extraite de l'œuvre de Sade selon les férus de littérature et de l'évangile selon Saint Matthieu. Mais en réalité le sida ne se contracte pas par punition, c'est une maladie virale. D'ailleurs, comme dit mon beau-frère Robert, «Le sida c'est comme les souris, ça s'attrape avec une tapette». Mais trêve de digression, revenons à notre fameux 666. La peur de ce nombre s'appelle l'hexacosioihexekontahexaphobie. Personnellement c'est le mot qui me fait peur. Logophobie.

Le nombre 13 aussi fout les chocottes à certains. Triskaïdékaphobie. Remarquez, ça peut se comprendre : être 13 à table, comme lors de la Cène, en compagnie d'un psychopathe anthropophage mythomane, merci bien ! «Mangez, c'est mon corps, buvez, c'est mon sang», ou lors des noces de Cana «Le pichet, là, hop, c'est pu de l'eau, c'est du rouge» - Alors là, pas d'hésitation : «Allo, le 18, c'est pour une urgence !».

Le 18 est le numéro des pompiers qui est, sauf en mathématiques, la moitié de 69, alors que le 17 est celui des flics même si leur nombre est le 22. Pas toujours facile à suivre, tout ça.

Le 2 est non seulement le premier nombre premier mais aussi le seul qui soit pair. Un nombre est pair, lorsqu'il est divisible par 2. Car deux est la base de la parité. Pour un mariage, par exemple, il faut être deux. L'un avec une paire, l'autre sans. Surtout si on veut des enfants. Mais avec le «mariage pour tous», on peut soit se passer de la paire soit en avoir deux. Deux mères et pas de paire ou bien deux pères et pas de mère. Mais ne débattons pas du «mariage pour tous», puisque c'est stérile. Et ne commettons pas non plus d'impair, sous peine de passer pour homophobe, ce que personnellement je ne suis pas, ayant dans mes relations plusieurs fiottes et gousses ainsi qu'une tarlouze.

Existe-t-il un nombre plus grand que tous les autres ? Non, car rien n'empêcherait de rajouter un à ce nombre. C'est pourquoi l'infini (voir plus haut), qui a cette propriété, n'est pas réel. Et c'est rassurant de savoir qu'un nombre qui se permet de ne pas être égal à lui-même n'est pas réel. Pas plus que l'éternité (qui signifie aussi sans fin) car comme dit Tahar Ben Jelloun «Le temps nous apprend à ne pas croire à l'éternité».

Et notre zéro (voir plus haut), lui, est-il réel ? Eh bien oui. On peut l'ajouter à un nombre quelconque, ce qui d'ailleurs ne changera pas la valeur de ce dernier. On peut même l'ajouter à lui-même pour un étonnant résultat. En effet zéro plus zéro égale la tête à Toto.

Entre le zéro et l'infini, il y a de la marge et ce texte, s'il se rapproche de zéro est en revanche fini. D'ailleurs qu'ajouter ? Les carottes sont cuites et je ne vois rien de neuf.