Émile Prout vulgarise la science


Aujourd'hui : le corps humain


Le corps humain, tout comme le paysage politique, se compose de trois parties : la tête, le tronc et les membres.

La tête :

La tête est la partie principale. Elle pense, elle sait, elle dirige, elle anticipe et affronte les problèmes. D'ailleurs dans certaines écoles, comme l'E.N.A., on forme des «hommes de tête» capables de résoudre le nœud des problèmes. C'est pourquoi la plupart des énarques sont des têtes de nœud.

La tête se compose côté pile de la face et côté face de la pile, ou cerveau, sorte de centrale d'énergie qui commande tout le corps. La tête se porte en général au-dessus du reste du corps, car elle est la fierté de tout homme, même si un cochon y sommeille. En tout cas il vaut mieux avoir un beau port de tête qu'une belle tête de porc.

Mais il n'est pas nécessaire d'avoir une tête bien faite. On a souvent vu à la tête d'un pays un homme qui n'avait pas toute la sienne. On peut même s'en passer totalement comme Robespierre qui avait imposé la Terreur et le culte de l'Être Suprême car il avait perdu la tête bien avant qu'on la lui coupât.

Le tronc :

Le tronc, comme dans les églises, est une sorte de boîte percée d'une fente, mais dans laquelle on n'est pas obligé de glisser un offrande, sauf si on est coiffeur. Dans cette boîte il n'y a rien de bien intéressant : des viscères, des rognons, des poumons, des cœurs, enfin rien que des abats, des choses abdominables.

Les membres :

Les membres sont quatre chez la femme, cinq chez l'homme, mais parfois moins, notamment en cas de guerre.

Qu'est-ce qu'un membre ? Un membre est l'élément d'un tout, d'un groupe, d'une famille. Une famille nombreuse, par exemple, est pleine de membres dont le chef est le membre viril.

Les membres du corps humain, comme ceux de la famille, sont inégaux. Les hommes et les bras sont les membres supérieurs alors que les femmes et les jambes sont les membres inférieurs. C'est une simple question d'altitude. Les bras sont plus hauts que les jambes de même que la pensée de l'homme atteint des hauteurs que la femme n'envisage même pas. Parfois cependant la femme est supérieure, surtout quand elle dépasse les 200 livres et que l'un de ses membres supérieurs est armé d'un rouleau à pâtisserie. L'homme alors s'écrase. Mais la supériorité ne convient pas à la femme car, comme dit Tante Ursule, «quand je grossis, j'ai tendance à m'aigrir». Il est bien connu aussi que les «mères supérieures», toujours quintalières, sont rarement accortes, peu primesautières, enjouées par exception et plutôt bégueules. D'ailleurs on ne dit pas «père supérieur», ce qui constituerait à l'évidence un abominable pléonasme.

Cette vision rétrograde est celle que propose La Bible («Femme, tu te soumettras à ton mari»). Aujourd'hui, Dieu merci, l'égalité homme-femme est en voie de réalisation.

En conclusion on dira que le corps est la partie matérielle d'un être animé. Celui de l'homme est loin d'être parfait. L'homme court moins vite que le guépard, saute moins haut que la gazelle, voit moins bien que le lynx, vit moins longtemps que la tortue, est moins velu que le gorille (encore que je me demande si c'est un bon exemple), nage moins bien que le dauphin, pète moins fort que le gnou flatulent et pense guère mieux que la limace mordorée à cornes bifides.

Certes le corps humain est un pis-aller. Pour compenser ses faiblesses, l'homme fabrique une maison où il convie la femme afin de l'entretenir, car la femme aime la maison et l'habite.