Émile Prout vulgarise la science


Aujourd'hui : l'amour et le sexe


Avertissement : Ce texte contient des scènes de violence, d'érotisme et de beaufitude pouvant ne pas convenir à de jeunes enfants.

L'amour et le sexe sont deux concepts différents. Le premier est cérébral, le second physique, mais ils sont souvent liés. «L'amour c'est l'infini mis à la portée des caniches» a écrit Céline. Un peu comme de la confiture aux cochons

Souvent liés mais pas toujours. Par exemple avec le légionnaire et la chèvre, s'il y a bien sexe, on ne peut pas vraiment parler d'amour. Avec l'amour platonique, c'est l'inverse, il n'y est pas question de sexe mais uniquement de sentiments. Ainsi de Monsieur Seguin et de Blanquette. Monsieur Seguin était berger, pas légionnaire.

Comment trouver l'âme sœur (ou l'âme frère si on est femme ou homo, voire l'âme qu'on veut si on est bi, trans, pan, omni, queer, inter, zoo, sturb, trik, paf, schtroumpf, prout... sexuel) ? L'idéal est de fréquenter les lieux où l'on rencontre des femmes de divers styles. «Et ce n'est pas parce qu'un groupe de femmes est hétéroclite qu'on n'y trouve pas des lesbiennes vaginales», comme dit mon beau-frère Robert. Lorsqu'une étincelle jaillit, c'est qu'on vient de mettre la main (façon de parler) sur l'âme sœur, à moins toutefois que l'atmosphère surchauffée du lieu ne provoque de l'électricité statique, auquel cas ne pas se méprendre, surtout si elle s'appelle Albert.

L'âme sœur potentielle est, hélas, parfois déjà prise. «Elle est belle comme la femme d'un autre» a dit Paul Morand. Mais la Sainte Bible intervient, avec ce tutoiement désinvolte qui lui est propre : «Sois altruiste et de la femme des autres ne te fais point voleur». Notons que l'altruiste et le voleur ont en commun le fait de vouloir le bien des autres. «Tu ne convoiteras pas non plus ta cousine, Germaine, qui est jolie bien qu'allemande, car l'inceste point ne commettras». Ce qui est pourtant tentant. Mais, ta ! ta ! ta !, ton tonton et ta tata te tuent si tu t'entêtes.

La Sainte Bible interdit le sexe avant le mariage. C'est absurde. Personnellement, à chaque fois que j'achète une Ferrari, je l'essaie d'abord. Toutefois par galanterie, on peut attendre un peu, jusqu'aux fiançailles par exemple, «fiançailles qui permettent à l'homme de tirer un trait sur son passé et un coup dans sa future» comme dit mon beau-frère Robert (Ah c'est gratiné ! Moi je ne me le permettrais pas).

Ensuite c'est le mariage. Mais attention : il faut savoir qu'il est très dangereux pour un couple. En effet les statistiques sont formelles : 100% des divorces sont le fait de couples mariés. Je précise que, personnellement, je n'ai rien contre les mariages gais, j'aime bien quand la mariée rigole

Doit on éteindre la lumière quand on fait l'amour ? Oui, si le conjoint est laid. Et puis la Sainte Bible le recommande vivement. De toute façon l'amour rend aveugle, il n'y a donc pas besoin de lumière. Ou alors très peu. Un cierge fera l'affaire, «à condition toutefois de ne l'utiliser qu'allumé» comme dit mon beau frère Robert. (C'est pratique un beau-frère Robert, c'est lui qui endosse la paternité des beaufonneries citées).

L'amour est quelque chose de naturel et de spontané qui se pratique à deux. Au-delà il faut planifier : «On se fait un plan à trois ?», ou alors carrément organiser une partouze. «Aimez-vous les uns les autres». Mais, avec une partouze, on ne sait pas trop dans qui on s'engage.

L'amour en solitaire c'est l'onanisme, qui perturbe, dit-on, l'acuité auditive. L'Église ferme les yeux sur cette pratique, ce qui est en l'occurrence inutile vu que la lumière est censément éteinte. Certains en abusent, comme Beethoven qui était le meilleur sourd qui se puisse être puisqu'il aurait vraiment voulu entendre. Et puis il y a celui qui s'y adonne tout le temps, en érection quand il pense à lui-même, c'est-à-dire en permanence : Bernard-Henri, totalement sourd aux «ta gueule!» lancés quotidiennement à son encontre car il a perdu l'ouïe ainsi que la majeure partie de son entendement. Mais tout ça ne l'empêche pas de fredonner à sa sauce, devant son miroir, le refrain de «Fernande» de Georges Brassens :

«Quand je pense à moi-même, je m'aime, je m'aime.
Quand je pense à Henri, je m'aime aussi.
Quand je pense à Bernard, je m'aime comme un hussard.
Mais quand j'pense à mon cul, là je n'me contrôle plus.
L'amour de soi, papa, ça n'se commande pas.»

Doit-on suivre tous les préceptes d'amour de la Sainte Bible ?
Euh, ma foi, il faut voir.

«Tu aimeras ton prochain comme toi-même». Ce n'est certes pas facile, chacun ayant évidemment un faible pour lui-même ! Et puis ça dépend du prochain. Pour moi ce n'est pas gagné. Y'a déjà pas mal de cons qui sont venus m'emmerder, il va pas être déçu, le prochain.

«Que tout ce que tu fais soit fait avec amour». Il semble que certains n'aient pas tout compris à cette belle parole, surtout quand ils y ajoutent : «Laissez venir à moi les petits enfants». Pour preuve, ce fait divers, rapporté bien sûr par mon beau-frère Robert, mais aussi par les journaux (mais peut-être pas La Croix) : «Johnny Walker, 12 ans d'âge, enfilé cul sec par un jésuite». J'eus certes comme vous préféré que ce ne fût qu'une anecdote dans un bar à whisky, mais hélas ! «C'est plutôt barbare, hein, Monseigneur !» Là encore on ne peut pas véritablement parler d'amour.

De toute façon on ne peut plus parler d'amour. Il est passé le temps béni où l'on pouvait conter fleurette sans qu'une horde de cinglées hystériques vous harcèle pour cause de harcèlement.

Pour conter fleurette justement, il y a différents styles. Oublions la drague à la cosaque ou à la jésuite qui se rit du consentement, passons sur le style anglais très direct et peu smart avec son «May I introduce myself?», que je ne vous ferai pas l'injure de traduire, n'évoquons pas la façon italienne de faire tout avec les mains y compris de tenter de prendre son pied, omettons le «Cholie bitite madam» qui émane d'un gosier teuton exhalant des relents de choucroute et de bière et passons directement à l'élégance française.

Le Français, toujours poète, fait sa cour par exemple en comparant la femme courtisée à un instrument de musique. Mais pas à n'importe lequel. Pas à la cornemuse, ni à la vielle à roue, l'hélicon ou la timbale, non, il faut que la forme de l'instrument et surtout le son qu'il produit soient légers, délicats, aériens, féminins en somme, car l'amour est aveugle mais il n'est pas sourd. La flûte, la harpe, la lyre feront parfaitement l'affaire. L'idéal étant peut-être un instrument à corde de la famille des violons. L'archet qui caresse en longs va-et-vient lascifs le corps de l'instrument n'y est sans doute pas pour rien et Man Ray, d'ailleurs, colla des ouïes sur le corps d'une femme-violoncelle. Le piano droit peut convenir aussi car il est femelle contrairement au piano à queue, dixit mon beau-frère Robert. Moi, ma compagne, c'est à la guitare que je la compare car elle est, comme elle, un instrument accorte. Et puis j'aime bien jouer avec. Femme de compagnie, guitare d'accompagnement, c'est la même chanson.

Évidemment il est impératif que la femme courtisée en vaille la peine. Si elle évoque un accordéon ou une grosse caisse, ne pas insister. Prenons un cas extrême : Margaret Thatcher, dont les surnoms «En fer» et «Dame nation» ne facilitent guère le choix de l'instrument. Elle ne se compare à rien d'excitant, pardon, d'existant, si ce n'est peut-être à la scie musicale ou au fer à repasser. D'aucuns objecteront, non sans pertinence, que le fer à repasser n'a rien d'un instrument de musique. Certes, mais Margaret Thatcher n'a pas grand chose d'une femme non plus. Quant à la scie musicale, ce n'est pas une scie sauteuse, comme dit mon beau-frère Robert.

Ce genre de compliment s'adresse donc à toutes les femmes qui donnent envie de jouer un nocturne en duo, un prélude à quatre mains ou la Flûte enchantée. Mais surtout rester toujours élégant et courtois. A moins bien sûr d'avoir affaire à une dinde capable d'occasionner un déplacement passager de votre centre de gravité et qu'on aime, n'en déplaise au poète, aujourd'hui plus qu'hier et bien plus que demain. Dans ce dernier cas, avant le plumage, on peut oser par exemple :

«Votre divin corps a souplesse de roseau.
Moi je ne suis que bois dont on taille flûtiau.
Vous n'êtes qu'harmonie, dirais-je sans malice,
Et vous seriez parfaite en trombone à coulisse.»

Lui dire n'importe quoi, de toute façon elle connaît la musique.

Mais pour réussir à émouvoir la belle, il faut du charisme, du charme, du sex-appeal. («Mais oui, Robert, on le sait, le sex-appeal n'est pas un godemichet électrique»). Ne pas croire que la dulcinée tombe toute cuite dans le bec du convoitant. Non, il faut la mériter, la faire rire, elles ne sont pas toutes comme Thérèse qui rit tout le temps, surtout quand, euh… quand c'est drôle.

Qu'on se rassure, il y a toujours une âme sœur qui attend quelque part. «Âme, ma sœur âme, ne vois tu rien venir?»