Émile Prout vulgarise la science


Aujourd'hui : la langue


Quand elle n'est pas un organe charnu, allongé et mobile placé dans la bouche, (et là j'ai demandé expressément à mon beau-frère Robert de la fermer), la langue est un instrument de communication, un système de signes vocaux. Il en existe beaucoup chez les humains. Environ 7000. Et après on s'étonne de la difficulté des échanges entre individus. Par exemple : «Is it far from here, l'Avèniou des Tchanz Ailyzéiz?» - «Oui, bien sûr, il est exactement midi et quart» !

La langue la plus utilisée est l'Anglais, suivie du Mandarin, de l'Hindi et de l'Espagnol. La moins utilisée étant le Taabykh que seuls baragouinent Mahr-sell, Jairh-men et leurs enfants sur l'îlot Jhar-Gon au sud-est de la Papouasie-Ancienne Guinée.

La première langue que chacun apprend enfant est dite maternelle. Ce qui n'est pas toujours un cadeau. J'ai personnellement connu un gars dont la mère était prostituée et qui préféra apprendre la langue paternelle plutôt qu'une langue de pute.

Les animaux ne parlent pas. Pourtant certains auraient bien des choses à raconter, tels les chiens, auxquels il ne manque que la parole. Vrai que d'autres sont plutôt tartes. Allez demander son avis à une autruche, un blaireau, un bernard-henri ou une bécasse. Ou même à un bœuf duquel, à part «meuh», il n'y a pas grand-chose à tirer. Faut dire que la langue de bœuf ce n'est franchement pas terrible. C'est tout juste bon à mettre dans la gamelle du chat. A ce propos, «donner sa langue au chat» ne consiste pas à pratiquer un cunnilingus, comme dit mon beau-frère Robert, mais à nourrir un chat, voire à renoncer à trouver la clef d'une énigme. Quant à la langue de vipère, c'est comme la langue de pute mais en moins vulgaire.

Certaines langues sont mortes car plus parlées du tout, tel le grec ancien («Alors, Démosthène, t'as perdu ta langue ?»), ou le latin, le sumérien, le phénicien, le breton. Pour le breton j'anticipe un peu, certes, disons plutôt une langue mourante car encore parlée par trois bigoudènes centenaires et maintenue artificiellement en vie grâce à un «acharnement thérapeutique» (qu'on appelle aujourd'hui plus élégamment «obstination déraisonnable», mais c'est pareil) par quelques adeptes bretonnants de la secte des parleurs en breton.

Le Français, qui est la cinquième langue la plus parlée au monde, est celle qui nous concerne ici. Elle comporte 3 sortes de mots principaux: les noms, les verbes et les adjectifs et puis aussi quelques mots-bricoles comme les pronoms, articles, adverbes, prépositions... Et la grammaire est là pour coordonner le tout. En voici d'ailleurs un zeste : en règle générale un mot masculin devient féminin avec un e à la fin et pluriel avec un s. Mais ça ne marche pas à tous les coups, comme dans cette phrase : Il était une fois (singulier avec un s) une bigote dont la foi (féminin sans e) était aussi sclérosée que le foie (masculin avec un e) du charbonnier éthylique. Ça ne marche pas à chaque fois, vous-dis-je. Pas fastoche l'écriture.

Aujourd'hui, Dieu merci, des bien-pensant.e.s tentent de la simplifier. Voyez d'ailleurs avec la narration de ce fait divers : «la lieutenante-colonelle des sapeurs-pompiers et des sapeuses-pompières a houspillé les agent.e.s d'entretien auteur.ices d'un début d'incendie dans la caserne avant d'en confier la réfection à la plombière-zingueuse en cheffe et ses employé.e.s zélé.e.s». Un grand merci aux grammairiennes et aux grammairiens dérangeant.e.s, euh, pardon, dégenrant.e.s. Gaffe aux lapsus ! En effet aujourd'hui on dégenre à tout va. Et bientôt d'ailleurs les femmes seront admises à participer aux concours de «cellui» qui pissera le plus loin.

Avec les mots, les phrases, on cause et on écrit. Mais pas forcément bien, comme on vient de le voir ou comme l'illustre le bide sur bide des œuvres de Bernard-Henri. Heureusement pour la littérature dans la langue de Molière, il y a Dumas, Camus, Céline, Le Clézio et bien d'autres.

Il est dit que Marcel Proust est le plus grand écrivain français du XXe siècle avec Céline. En tout cas, il en est probablement le plus pingre. Il n'y a qu'à s'en référer au fameux bas de laine de Proust. Grand écrivain, peut-être, cependant d'aucuns affirment qu'il est ennuyeux. Propos certes un poil péremptoire, mais qu'en est-il au juste ? Pour le savoir il faut le lire. Ce que j'ai fait avec “Un amour de Swann”, le plus facile d'accès, paraît-il. En voici donc une brève analyse, vachement objective, ça va de soi : 280 pages d'une traite, pas de chapitres, pas de paragraphes, comme une randonnée sans aucune halte. La distance qui sépare deux points est impressionnante, ce qui demande un constant effort de concentration, comme une randonnée sans aucune halte avec un sac à dos bien lourd. L'intrigue se déroule du salon à la chambre, de la chambre au boudoir et du boudoir au salon, comme une randonnée sans aucune halte avec un sac à dos bien lourd en rond autour d'un terrain vague. L'Histoire narre les dérisoires variations des états d'âme du héros, comme une randonnée sans aucune halte avec un sac à dos bien lourd en rond autour d'un terrain vague en compagnie d'un manant qui n'arrête pas de causer. Pourtant j'aime bien les randonnées et les voyages au bout de la nuit. Et Céline, justement, résume Proust en quelques mots truculents : «Trois cents pages pour faire comprendre que Tuture encule Tatave, c'est trop». Bref, j'ai acquis le droit de dire que Proust est chiant.

Cela dit, il ne s'agit là que d'un avis. D'autres ont qualifié l'oeuvre de Proust d'architecturale, d'organique, d'éclatante, de vitale, de musicale. Musicale au point même d'être comparée à une symphonie. D'ailleurs la «sonate de Vinteuil», plusieurs fois évoquée dans son œuvre, est proustienne mais fictive. Personne ne l'a écoutée donc. Aurait-elle été raccord avec son écriture ? Personnellement je m'en fous, j'aime bien la Symphonie du Nouveau Monde de Dvorak et les blues rocks endiablés de Led Zeppelin.

Longtemps je me suis couché sans lire Proust.
J'ai lu Proust. Un peu.
Longtemps je me coucherai sans lire Proust.